Récits de voyage 2018 (2)
Par Pascale de Viron
Cette année, j’ai eu la chance d’accompagner Mia et l’abbé Alain à Lulingu. Expérience inoubliable, ce furent mes premiers pas en Afrique centrale. Les rencontres et les découvertes y furent multiples et enrichissantes. Voici le compte rendu de quelques-unes.
Des paysages multiples et variés
Professeur de géographie, je découvre ce monde de la forêt équatoriale primaire sous la saison sèche. Qui dit saison sèche dit beaucoup de poussière et je m’attends à un ciel brouillé de poussières. Or, il n’en est rien, nos journées sont généralement ensoleillées, agrémentées de températures souvent bien plus douces qu’en Belgique où règne la canicule.
La forêt équatoriale de cette région du Kivu est grande, composée de sous-bois et de grands arbres aux espèces aussi variées qu’inconnues de nos contrées. Cette nature luxuriante peuplée de bruits tantôt mélodieux tantôt étranges, est pour moi une réelle découverte.
Tout autre paysage mais aussi enchanteur est le lac Kivu. Son étendue calme et reposante contraste avec la ville de Bukavu, grouillante de monde, aux maisons adossées aux collines et imbriquées les unes aux autres.
Pirogue sur le Lac Kivu Lac Kivu
L’accueil de notre délégation à son arrivée à Lulingu.
A peine atterris à l’aéroport de Tshonka, chants, danses nous accueillent. Plusieurs habitants de Lulingu sont là, dont certains ont fait plus de 35 km à pied pour fêter notre arrivée.
Revenus tout juste de 600km de piste en moto, l’abbé Felix et son nouveau vicaire, l’abbé Guillaume nous offrent leur hospitalité. Ils nous ouvrent leur maison et font en sorte que nous nous sentions chez nous, en mettant tout en œuvre pour que nous ne manquions de rien.
Malgré les activités nombreuses, ils veillent à ce que nous profitions de moments de repos et de calme ce qui me permet de vivre le moment présent avec sérénité.
Équipe veillant à notre sécurité et confort : Emmanuel, Justine,...
Les Abbés Félix et Alain échangeant sur les lois de la basse-cour
C’est aussi l’occasion de déguster des mets « bio et local » comme les vers de palmiers grillés ou le cobaye sauce moambe.
Un matin, les mamans viennent nous rencontrer et nous offrir quelques présents : un coq, de la farine, des amarantes. Danses, chants, présents, prières en commun, animent notre rencontre. Tout est remerciement et louange à Dieu pour notre présence. Comme quoi tout n’est pas que demande en Afrique.
Rencontre avec le groupe des veuves
Accompagnée de l’abbé Guillaume (le nouvel aumônier du groupe), je partage durant deux heures les joies et préoccupations des veuves de Lulingu.
Leur statut est bien précaire : à la mort de leur mari, elles n’héritent de rien, tous les biens vont aux enfants, à eux d’entretenir leur mère. Souvent les conditions précaires de la famille ou les mésententes les laissent livrées à elles-mêmes et elles doivent se débrouiller seules. Cultiver un champ, élever des cobayes sont des tâches rendues pénibles par l’âge, la maladie, le découragement. En cas de maladie, les veuves tardent à se rendre à l’hôpital par manque de revenus. Elles s’estiment mal soignées, car les médecins et les infirmiers ne prennent pas en considération leur mal, le jugeant normal pour une personne âgée. Vu leur grand âge, ils n’estiment pas très utile d’y apporter le réconfort nécessaire.
Le groupe des veuves permet à chacune d’elle d’être écoutée, aidée, soutenue et de retrouver un peu de dignité. Ensemble, elles cultivent un champ communautaire et certaines se débrouillent très bien dans l’élevage de cobayes. Ensemble, elles parviennent à améliorer leur quotidien.
Projet de relance agricole
Depuis quatre ans, le projet agricole est mis en place. Grâce aux dons récoltés par la paroisse Saint- Etienne de Braine-l’Alleud, plusieurs axes sont développés. Cette année nous apportons un nouveau moulin à maïs pour Katchungu. Reste à charge de la population le transport jusqu’à ce village situé à plus de 35 kilomètres de là. Comment transporter ces 200 kg sur la piste ? En vélo ? En moto. Après de nombreuses palabres et pesées, il sera acheminé par camionnette quinze jour après notre départ.
Cette année, le projet agricole se consacre à la construction de cages pour les cobayes afin de faciliter leur élevage et les protéger des prédateurs. Des compostières destinées à enrichir le sol des potagers sont aussi construites.
Le travail est lancé, il faut le poursuivre …Gageons que l’année prochaine, on trouvera une compostière dans tous les potagers et une cage dans chaque maison.
Partage sur les 10 ans du jumelage avec les Waongozi
et les communautés de Lukala et Tshonka.
Ce poster amené dans nos bagages (et laissé sur place) est notre base de travail pour mettre en évidence les apports du jumelage entre la paroisse Saint-Etienne de Braine-l’Alleud et la paroisse Sainte- Barbe de Lulingu. Une des joies les plus souvent citées est celle de recevoir une délégation de Belgique chaque année. Pour cette région enclavée, oubliée de tous sauf des bandes armées qui sèment la terreur sur les pistes ou lors des pillages, c’est un élément essentiel qui les aide à vivre ces réalités parfois bien compliquées. Quelle joie de partager ensemble l’évangile, de se ressourcer, de célébrer l’eucharistie, sans oublier les conseils de l’expert agricole Claude Museme.
Travail en carrefour sur les 10 ans du jumelage
La session sur les 19 martyrs d’Algérie
Les prières spontanées en fin de session me permettent de comprendre combien chacun de nous peut être rejoint par les vies données des martyrs d’Algérie. Beaucoup de waongozi (responsables de succursales de la paroisse) épinglent le courage des missionnaires, leur ténacité dans une situation pas si éloignée de la leur (insécurité, incompréhension de leurs proches, isolement…) Je suis frappée par l’amour qui animait ces missionnaires, amour pour les Algériens, les musulmans, l’Islam, amour marqué par des gestes quotidiens dans le respect de la culture et de la religion de chacun.
Le festival Amani
Remise des médailles du mérite agricole par l'Abbé Félix, Claude Museme et Mia
Deux après-midi de suite des jeunes chantent et dansent pour la paix à Lulingu. Des jeux entrecoupent les morceaux. Avec l’abbé Guillaume nous mettons à l’épreuve les enfants de 6 à 18 ans en testant leurs connaissances en géographie d’Afrique et du monde. Mia, l’Abbé Félix et Claude remettent les médailles du mérite agricole aux meilleurs cultivateurs et éleveurs.
DE BEAUX MOMENTS VÉCUS ÉGALEMENT À BUKAVU
Rencontre avec les enseignants de Bukavu
Avec les enseignants de la paroisse de Buholo du père Xavier Biernaux à Bukavu, nous animons, l’abbé Alain et moi, une matinée de récollection. A partir de l’évangile des disciples d’Emmaüs, nous découvrons la pédagogie de Jésus : cheminement, écoute, partage des connaissances, effacement afin que l’autre puisse prendre ses responsabilités et son envol. Si nos réalités pédagogiques se rejoignent souvent, les réalités matérielles sont bien différentes. Les élèves congolais de cette école primaire ne fréquentent l’école que le matin, suivis l’après-midi, dans les mêmes classes, par des élèves du secondaire. L’enseignant a peu de matériel à sa disposition : un tableau noir, quelques craies, quelques livres. Sa classe est composée de 40 à 50 élèves (bien loin de nos maximum 25 élèves par classe) et souvent, lui comme ses élèves, arrivent en classe le ventre creux. Bien qu’étant très peu payés et ne recevant même souvent pas leur salaire, les enseignants aiment leur métier, sont fiers de leurs élèves et aspirent pour eux à un monde plus juste, plus équitable, construit grâce aux armes de l’instruction.
Rencontre avec des enseignants de la paroisse Sainte-Trinité à Buholo (Bukavu)
Messe dominicale à la prison de Bukavu
L‘Abbé Adrien Cishugi, aumônier de la prison, nous invite à participer à la messe dominicale dans la prison de Bukavu. Cette rencontre est des plus marquantes. Célébrée dans la cour centrale de la prison, où tous les prisonniers passent leur journée, la messe est dite dans un bruit de fond constant puisque c’est le lieu de vie de tous les prisonniers. La célébration est pourtant très priante et participative : chorale, servants de messe, danseur lors de l’offrande.
Dans ce lieu si sordide où la promiscuité est omniprésente : 1700 prisonniers enregistrés pour une prison prévue pour 400 personnes, des cellules où l’on s’entasse à plus de 100 alors qu’elles n’offrent que 40 lits…, cette promiscuité entraine la violence et l’irrespect de soi. Malgré tout, nous y découvrons des hommes qui ne se laissent pas abattre. Que leur peine de prison soit juste ou non (certains sont accusés à tort et sans jugement) ils se prennent en main, décident de s’investir dans la vie de la prison en utilisant leur capacité de médecin, de cuisiniers, de formateurs, de choristes afin d’y apporter un peu d’humanité.
Les Photos de Pascale en Port Folio
Séjour à Kigali et visite du Parc de l'Akagera
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