VOYAGE 2016 À LULINGU
(selon le récit de voyage d'Alain de Maere)
(en construction)
Le 28 juin 2016, c’est une délégation de 4 personnes (Mia, Marc, Jean-Baptiste et Père Alain) qui s’est mise en route depuis Bruxelles vers Lulingu. A Bukavu, Claude Museme, responsable du projet de relance agricole a rejoint notre équipe. C’est donc à 5 que nous sommes arrivés à Lulingu le vendredi 1 juillet.
Départ de Zaventem
A notre arrivée à Lulingu, c’est dans la joie et l’allégresse que nous avons été accueillis par le curé de la paroisse, fraîchement nommé, l’abbé Félix et une délégation de paroissiens.
Déjà auparavant, un responsable de la Shirika Saint-Jean-Baptiste, succursale de la paroisse proche de la piste d’atterrissage, Jacques Kikunda nous avait accueillis en ces termes : « Bonjour et bienvenue pour votre visite pastorale en cette contrée déchirée par les chocs mentaux et physiques. Aujourd’hui dans notre paroisse Sainte-Barbe de Lulingu malgré certaines difficultés et nouvelles pouvant affaiblir notre foi au vu des circonstances du moment et du milieu, nous, diaconie Timothée, shirika Yoane Mbatizaji, avons pleinement grande joie de vous accueillir pour cette nième occasion dans notre paroisse Sainte-Barbe de Lulingu dont nous sommes la porte d’entrée… »
Notre séjour à Lulingu du 1 au 19 juillet fut rempli de moments beaux, encourageants et forts. Citons parmi ceux-ci :
Le suivi du projet de relance agricole
Pour voir la genèse de cet important projet agriculture-élevage-pisciculture qui concerne plusieurs centaines d'habitants de Lulingu, suivre le lien : BULLETIN_CONGORUDI
Claude Museme, Consultant en Développement Rural et dans le domaine de la sécurité alimentaire, est le coordinateur de ce projet. Il répond à nos questions :
Dans quel contexte le projet de relance agricole à Lulingu a été conçu ? Pourquoi un projet agricole à Lulingu ?
Le contexte dans lequel le projet agricole a été conçu est un contexte post-conflits. Lulingu était déclarée zone à risques car il y avait eu des combats, des guerres. La population avait quitté le village pour se réfugier dans la forêt et donc, ils avaient abandonné les champs et toutes les activités génératrices de revenus. Quand ils sont rentrés à Lulingu, les conditions de vie étaient vraiment déplorables. Il y avait surtout des problèmes alimentaires.
Face à ce constat d’insécurité alimentaire qu’est-ce que vous avez-fait ?
Nous avons fait d’abord une évaluation des besoins ce qu’on appelle enquête ménages. Suite à cette évaluation des besoins, nous avons constaté qu’il y avait réellement un problème d’insécurité alimentaire ; les gens dans les ménages n’avaient à manger qu’une seule fois par jour. Il y avait insuffisance de denrées alimentaires sur le marché et les vivres étaient très chers. Les gens ne parvenaient donc pas à se les procurer. Il en allait de même pour les soins médicaux, la population n’était plus en mesure de les payer. Et le même problème se posait pour les frais scolaires des enfants. Tout cela posait un réel problème de survie.
Après l’évaluation des besoins quelles ont été les démarches entreprises ?
Les résultats de l’enquête ménage nous ont amenés à élaborer avec la population concernée un projet de sécurité alimentaire.
Ce projet est articulé sur trois grands axes à savoir :
1. L’agriculture
Dans cet axe, nous avons ciblé en tout premier lieu la relance des cultures maraichères (amarante, oignons, pommes de terre, aubergines) et des cultures vivrières (arachides, haricots, maïs et manioc).
Vu l’urgence des besoins alimentaires, nous avons mis la priorité sur les cultures maraichères car celles-ci permettent d’avoir à manger en trois semaines. Vu l’insécurité alimentaire, il faillait que la population puisse rapidement disposer de nourriture.
Quant aux cultures vivrières, elles ont une durée de production un peu plus longue tout en étant du type cycle court : environ 3 mois. De plus, ce sont des cultures que la population connait bien car elle les pratiquait au quotidien.
Voilà pourquoi le projet est appelé projet de relance agricole car ce n’était pas pour la population quelque chose de nouveau, ce sont des cultures qu’elle pratiquait mais qui avaient été abandonnées à cause des guerres. Il fallait donc les relancer.
Participants au projet agricole
2. L’élevage
Petit élevage de cobayes sous le regard attentif de Maman Charlotte
Pour cet axe nous avons retenu l’élevage de cobayes pour plusieurs raisons. Tout d’abord, ils se reproduisent très vite. Après deux mois, ils peuvent décider directement de les consommer. Le sang des cobayes peut également être utilisé pour revitaliser les enfants souffrant d’anémie. C’est aussi une nourriture plus aisément utilisable que la viande de chèvre et de porc qui sont traditionnellement réservés pour les grands évènements familiaux (mariages, dot,…) Quand on a faim, on ne peut pas décider comme ça de tuer la chèvre ou le porc tandis que pour les cobayes, même un enfant pourrait, en l’absence de son papa décider de tuer un cobaye pour le manger. L’élevage des cobayes amène aussi les enfants à participer aux activités du ménage car il peut aller chercher lui-même du fourrage pour les nourrir.
3. La pisciculture.
Etang piscicole
Lulingu est une zone à vocation piscicole. En circulant dans Lulingu, on voit des étangs partout mais on constate que ceux-ci sont abandonnés. Dans ces étangs, il y a encore des alevins mais ceux-ci étant dégénérés, ne peuvent plus se reproduire en quantités suffisantes. Nous sommes intervenus en implantant des alevins résistants et adaptés au milieu. Pour ce faire, nous avons commencé à aleviner 5 étangs de multiplication qui serviront à distribuer des races qui contribueront ainsi à la sécurité alimentaire.
Claude MUSEME nous parle de l'élevage des tilapias :
Quels ont été les moments forts du projet de relance agricole ?
• L’achat de moulins de grande capacité pour moudre le maïs.
• la distribution des semences maraichères et vivrières.
• la distribution des alevins qui ont peuplé les 5 étangs,
• la mise à disposition du matériel agricole et piscicole.
Les résultats ne se sont pas fait attendre : on est passé d’un à deux repas par jour. Quand on va au marché, on y trouve maintenant les denrées alimentaires produites par les bénéficiaires du projet. On constate également que les prix sont à la baisse. Des mamans ont témoigné qu’à partir de la vente de leur production elles ont pu se payer des babouches, des choses supplémentaires pour leurs maisons.
Les Mamans récoltent les arachides
Pourquoi encourager la production de maïs avec l’achat de moulins ?
Dans le milieu, on produisait déjà du maïs mais celui-ci est plus utilisé pour la fabrication de boissons alcoolisées. Notre programme vise à changer cette pratique en vue d’utiliser le maïs dans l’habitude alimentaire car le maïs constitue un élément très important dans l’alimentation. Il vient en complément du manioc. Le manioc est l’aliment de base mais celui-ci présente un problème de maladie, la mosaïque africaine du manioc. Nous y avons remédié en distribuant des boutures saines. Et nous avons voulu renforcer la capacité de production du maïs en complément du manioc.
Autres avantages du maïs : c’est une culture à courte durée (3 mois), il est nutritif et on peut le consommer sec. Une fois moulu, on peut utiliser la farine de maïs pour la confection du fufu. La farine de maïs est plus nutritive que celle de manioc.
Récolte des arachides par Claude et Jean-Baptiste
Un festival local pour la Paix
Cour de l’école primaire « Kasase » où se déroula le Festival de Lulingu de juillet 2016
Ce festival est un des fruits du Festival Amani (Amani = Paix en kiswahili) de Goma qui se déroula en février 2016. Le directeur de ce festival de Goma, Guillaume Bisimwa, avait invité un groupe de danseurs traditionnels de Lulingu à participer à sa troisième édition.
Le groupe « Malonga »
Dès qu’ils reçurent cette invitation, en juillet 2015, les jeunes constituèrent un groupe de danseurs issus de différentes shirikas de la paroisse et formé par des « Wazee » (des anciens du village). Ce groupe appelé « Malonga » (réconciliation en kirega), enchanté par l’expérience de sa participation au festival Amani de Goma a voulu avec tout le village de Lulingu organiser pour juillet 2016 un festival qui lui aussi avait pour but de sensibiliser à la paix.
Groupe de danseurs traditionnels de Nyambembe
Dans son discours à l’ouverture de ce festival, le coordinateur Rodrigue dit ceci : « L’objectif de ce festival est de chanter pour la paix et de se bouger pour les résolutions des conflits. Le festival est apolitique. Il est proposé par les chrétiens et nous montrons ici la joie de vivre ensemble comme frères ».
Dans le clip d'ouverture du Festival de Lulingu (voir post suivant), lors de l’entrée en scène du groupe « Malonga », nous voyons derrière le groupe un des « Anciens », Diperon qui ré-initia les jeunes à la culture lega. Ceci nous montre que le festival a mis en lien des jeunes et des vieux du village. Les jeunes ont en effet eu besoin de l’aide des vieux pour être ré-initiés à leurs danses traditionnelles. Voilà un beau témoignage de rencontre intergénérationnelle.
Justin, un des "Wazee" (Mzee = ancien, sage, initié, ... Au pluriel = Wazee) qui transmettent les traditions
Outre les danses traditionnelles, un groupe d’enfants et de mamans a voulu rappeler par une mise en scène les souffrances vécues et subies pendant toutes ces périodes d’insécurité.
Le festival a également permis à de jeunes rappeurs d’exprimer leur désir que prennent fin ces guerres incessantes et que la paix s’installe de façon durable dans la région (Nous voulons la paix, nous refusons la guerre !)
Pour une première manifestation de ce genre à Lulingu, tous les participants ont fait preuve d'un
enthousiasme communicatif dont témoignent ces clips-vidéo :
Le 1er du Groupe Amri-Est
PRESTATION DU GROUPE AMRI-EST
Le Groupe MALONGA
(chants et danses traditionnels)
Festival AMANI de Lulingu - Chant pour la Paix
Festival AMANI de Lulingu - Hymne du Jumelage Lulingu/Braine l'Alleud
à suivre...
Autres faits marquants du festival, la messe du dimanche 17 juillet et le repas qui suivit rassemblèrent autant les paroissiens de Lulingu que les festivaliers d’autres obédiences et confessions religieuses. Le festival se termina par une projection sur écran géant d’extraits du festival Amani de Goma (merci Fernand !) et du festival de Lulingu (merci Marc et Jean-Baptiste !) qui fut suivie par une grande foule d’habitants du village et de festivaliers venus de Kigulube.
Vous pouvez entendre ci-dessous (en construction...) la joie de Rodrigue à l’issue de ce festival, partagée par les curés des paroisses Sainte-Barbe et Saint-Etienne.
Des cours d’informatique
Séance d’initiation à l’informatique donnée par Marc au cours du séjour de juillet 2016
Les ordinateurs sont alimentés par le générateur de la paroisse.
Comme dans 99% du Congo rural, il n'y a pas d'électricité à Lulingu
Grâce à un don d’ordinateurs portables, une session d’initiation à l’informatique a pu être donnée par Marc. Les cours avaient été soigneusement préparés et furent suivis par les jeunes avec beaucoup d’intérêt. Au programme, découverte de l’ordinateur, le traitement de texte, la rédaction d’un mail avec des bonus comme Lulingu et Braine-l’Alleud vus du ciel (avec Google Earth). Ces cours seront prolongés par l’abbé Félix qui a suivi une formation en la matière à Bukavu.
Le renouvellement du groupe des « Kizito-Anuarite »
Les nouveaux animateurs (à droite de la photo) des Kizito-Anuarite
Lors de notre séjour, l’abbé Félix a émis le souhait de relancer l’animation des enfants et des jeunes au sein des Kizito-Anuarite en choisissant pour eux de plus jeunes animateurs. Marc et Jean-Baptiste partagèrent leurs expériences d’animateurs louveteaux et scouts avec les tout nouveaux et jeunes animateurs et furent émerveillés par leur enthousiasme et leur compétence.
Les animateurs Déogratias et Jérôme à l’œuvre
Un temps de ressourcement pour les paroissiens
Récollection des enseignants
Comme chaque année le Père Alain proposa un temps de ressourcement spirituel. Il avait pour thème cette année « Par lui, avec lui et en lui ». A travers les exemples de Saint Etienne lors de son martyre, de Philippe qui catéchise et baptise un Ethiopien et celui de Paul adressant une parole d’exhortation à la synagogue d’Antioche de Pisidie nous avons vu comment annoncer le Christ à ceux vers qui il nous envoie. .
Représentation du martyre de Saint Etienne.
Ces enseignements ont été précédés s'une représentation du martyre de Saint Etienne (ci-dessus) et de la catéchèse de Philippe à l’Ethiopien (ci-dessous)
La visite aux malades
Comme chaque année, du temps fut également consacré à la visite à domicile de paroissiens malades. Ce moment est très attendu.
Des abums-photos de la paroisse de Braine-l’Alleud
et du Collège Cardinal Mercier
Une paroissienne de Saint-Etienne a réalisé de très beaux albums photos retraçant le vécu de la paroisse Saint-Etienne lors de l’année pastorale 2015-2016. Cela nous permit de raconter, photos à l’appui, les moments forts vécus dans notre paroisse.
Des classes de l’école primaire du Collège Cardinal Mercier ont également réalisé un album photos sur leur année scolaire destiné à l’école primaire Kasase.
Un accueil toujours aussi formidable et des temps de rencontres et de convivialité
Le séjour fut aussi marqué par ces moments d’accueil, d’échanges et de convivialité comme en témoignent ces quelques photos
Le groupe de rappeurs « Amri-Est » et Jean-Baptiste
Claude et Jean-Baptiste, supporters « endiablés » avant le match Belgique-Pays de Galles
De gauche à droite, Abbé Elias, Mia, Charlotte, Abbé Félix et Abbé Alain
Rencontre avec les jeunes de la paroisse Saint-Charles de Kigulube venus spécialement pour le Festival
Rencontre avec des Mamans de la paroisse de Lulingu
Dégustation d’un cobaye
Rencontre dans le prolongement de la messe dominicale
Etape de la construction d’une maison consistant à la « bouer »
Les séminaristes Antoine, Anselme, Marc et Joseph
Rencontre avec les « Waongozi » (responsables des communautés de base)
Une liturgie vivante et participative
Procession d’entrée
L’abbé Félix, curé de Lulingu, exprime ainsi toute l’importance que ses paroissiens donnent à la liturgie :
C’est hallucinant de constater avec fracas que la population de Lulingu en général et surtout les chrétiens en particulier, en dépit de toutes les situations désastreuses qu’ils ont traversées et qu’ils continuent occasionnellement à traverser (viols de femmes -peu importe l’âge- , vol, tortures, menaces physiques, pendaison de petits enfants, incendie de maisons, extorsions, bref perte de dignité humaine) ont gardé leur foi au Bon Dieu Tout Puissant, Père de nous tous, avec un sang-froid impeccable nourri par l’Espérance en un seul Dieu libérateur.
La collecte des dons
L’illustration la plus marquante est la façon dont ils « se moussent » dans la liturgie comme pour dire : on peut tout nous ravir sauf la joie de Dieu. Comme le disait le pape François dans une de ses homélies matinales à la chapelle de la maison Sainte-Marthe : « La joie humaine peut être enlevée par n’importe quelle chose, par n’importe quelle difficulté. Mais cette joie que le Seigneur nous donne, qui nous fait exulter, nous élève dans l’espérance de le trouver, cette joie, personne ne peut l’enlever, elle est durable. Même dans les moments les plus sombres. Joie, Espérance sont le cri de l’Eglise, heureuse après l’Ascension du Seigneur ».
Les servants de messe
Les chrétiens de Lulingu n’anesthésient pas la douleur, pas même la plus grande douleur qui fait vaciller la foi. Mais ils trouvent le sens de leur existence dans le profil de la femme qui accouche : quand l’enfant nait, elle est tellement heureuse qu’elle ne se rappelle plus sa souffrance. C’est cette image proposée par Jésus lui-même que nous osons reprendre humblement dans cette réflexion.
Les chrétiens ont fini par comprendre que le chemin de la vie est fait d’un peu de croix et d’un peu de joie. Et le vrai bonheur, le vrai chemin demeure Jésus. C’est dans ce sens que la liturgie dans notre église de Lulingu est vivante c’est-à-dire participative et active pour tous : nous louons, nous chantons, nous dansons et nous rendons gloire à Dieu pour ses merveilles.
Pendant le Gloria, la présentation des dons, le sanctus et l’action de grâce après la communion nous sommes tous appelés à participer activement aux chants sans rester immobiles. Pendant le Notre Père, nous nous joignons les mains pour manifester notre conviction profonde qu’avec la prière du Notre Père, Jésus remet à chacun de nous l’acte de paternité : personne n’est orphelin.
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Pour terminer, encore quelques photos avec ou sans commentaires...
Rencontre après la messe dans une shirika de Lulingu (Shirika Lukala)
Des participants au Festival devant le panneau-souvenir d'une visite antérieure de leurs amis de Braine-l'Alleud
(Urafiki signifie "amitié" en kiswahili)
La Maman s'est habillée "belge", Père Alain et Jean-Baptiste ont revêtu leurs habits congolais
La jeune fille à l'avant-plan, très fière, vient montrer à Marc une photo d'eux deux prise il y a 2 ans...
Père Alain fait des bulles et se fait de nouveaux admirateurs...
Moment qui restera dans la mémoire de Papy, Ziada et leur fils Josh
Père Alain fait le test du transport, à la force du dos et du front, d'une charge de bois de chauffage.
C'est la tâche quotidienne des femmes et des enfants. Et parfois il faut transporter le bois sur plusieurs kilomètres...
Et c'est un rien plus lourd qu'un sac à dos de scout !
Mia, dont c'est aussi le Nième voyage, avec quelques-uns de ses multiples amis de Lulingu
Enfin, les voyageurs 2016 en compagnie de Madame Henriette, Cheffe de Poste, et son fils Jonathan